La détermination des tribunaux compétents en matière de diffamation et de dénigrement sur Internet.


Avant propos


Les informations relayées sur Internet via des forums ou des blogs ne sont malheureusement pas toujours correctes et sont parfois même totalement fausses. Aujourd’hui, toute personne peut se permettre d’écrire ce que bon lui semble sur Internet au sujet de ses proches, ses voisins, ses concurrents, ses « rivaux », etc. Or, la liberté d’expression a ses limites : diffamation et dénigrement sont deux comportements reconnus et sanctionnés par la loi.

L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 dispose qu’est considérée comme diffamation « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ». Est considéré comme du dénigrement l’action de dénigrer, de critiquer ou de dire du mal de quelqu’un ou de quelque chose lui portant atteinte. L’article 1382 du Code civil qui est le fondement de la responsabilité du fait personnel sanctionne également le dénigrement.

Une question qui se pose en cas de diffamation ou de dénigrement sur Internet est de savoir quel tribunal est matériellement et territorialement compétent.

Compétence d’attribution en matière de diffamation ou dénigrement


En matière de diffamation


En matière de diffamation, la question de la compétence d’attribution est longtemps restée sans réponse ; certains affirmant que le tribunal d’instance (TI) était compétent, d’autres que cela relevait de la compétence du tribunal de grande instance (TGI). C’est la Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 5 mars 2004, qui a mis fin à ce débat.

Ce débat concernant la juridiction compétente en matière de diffamation était dû au fait que l’article R321-8 du Code de l’organisation judiciaire régissant la compétence d’attribution en matière de diffamation est issu d’une loi datant du 5 mai 1838 qui ne prend donc pas en considération la situation d’une diffamation sur Internet. Cet article dispose que « le tribunal d’instance connaît des actions civiles pour diffamation ou pour injures publiques ou non publiques, verbales ou écrites, autrement que par voie de la presse ».

Qu’en est-il d’une publication sur Internet ? Peut-elle être considérée comme une publication par voie de presse ? La réponse à cette question détermine si c’est le tribunal d’Instance ou celui de grande instance qui sera compétent.

La loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication qui complète l’énumération de l’article 23 de la loi de 1881 sur la presse définit la notion de « communication audiovisuelle » comme « toute mise à disposition du public, par un procédé de télécommunication, de signes, de signaux, d’écrits, d’images de sons et de messages de toute nature qui n’ont pas le caractère d’une correspondance privée ».

Internet étant un moyen de communication, le juge en a déduit qu’il pouvait être considéré comme « voie de presse » : le tribunal de grande instance est donc compétent pour juger des actions en diffamation sur Internet (TGI, du 22 janvier 2003).

Cette analyse a été confirmée par la Cour d’appel de Paris qui a indiqué que « l’émission de propos sur un site internet constitue une communication audiovisuelle au sens de l’article 2 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication », et que « dans ces conditions, la diffamation par communication audiovisuelle n’entre pas dans les prévisions des dispositions de l’article R.321-8 du Code de l’organisation judiciaire » car « ces dispositions ne trouvent pas à s’appliquer lorsque la diffamation s’opère par le moyen d’une communication audiovisuelle » ( CA de Paris 5 mais 2004).

Par conséquent, toute action civile pour diffamation doit être portée devant le tribunal de grande instance.


En matière de dénigrement


Le dénigrement est l’un des aspects de la concurrence déloyale. Il se définit comme le fait pour une personne de répandre des informations malveillantes sur le compte d’une entreprise afin de nuire à la réputation des produits ou des services de cette dernière.

La victime d’un dénigrement peut agir en justice pour obtenir réparation de son préjudice. L’action en concurrence déloyale suppose la réunion de trois conditions : une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice (articles 1382 et 1383 du Code civil). Il est par ailleurs possible, comme pour la diffamation, de demander au juge d’ordonner la cessation des actes constitutifs de concurrence déloyale, par le prononcé d’une astreinte.

Le délai de prescription de l’action en concurrence déloyale est de 5 ans à compter du jour où la victime à connaissance du préjudice qu’elle subit.
La compétence des tribunaux pour juger des actions en concurrence déloyale pour dénigrement est déterminée par les règles de droit commun :

  • - le tribunal de commerce est compétent lorsque l’action est dirigée par un compétent contre un autre commerçant ;
  • - le tribunal de grande instance est compétent lorsque l’action est dirigée contre un non-commerçant ;
  • - et le conseil de prudhomme est compétent s’il s’agit d’un manquement d’un salarié aux obligations résultant de son contrat de travail.

Compétence territoriale


Lorsque le dénigrement et la diffamation ont lieu sur Internet, ce dernier étant un moyen de communication accessible depuis n’importe quel endroit de la France, tous les tribunaux du pays seront territorialement compétents. Le demandeur pourra donc choisir le tribunal de son choix pour faire juger son litige.